Quand John Lennon déstabilisa le showbiz avec Instant Karma

Suite de notre nouvelle série d’articles intitulée « Les archives de Daniel Lesueur », qui vous propose de vous faire découvrir ou re-découvrir des textes rares, précieux ou oubliés du journaliste et auteur musical bien connu des passionnés de rock.

En 1970, John Lennon invente le concept du disque instantané

En vacance de Beatles, le co-leader du groupe, lassé des interminables séances d’enregistrement, décide de bousculer les habitudes du show business

Le plus grand groupe du monde, début 1970, est en pleine décomposition. Cela fait sept années pleines qu’ils ne se sont plus quittés, en studio ou en tournée à travers le monde. La promiscuité leur colle à la peau. Chacun des quatre a envie de liberté ou de solitude, voire les deux. John Lennon est peut-être celui qui ressent le plus le besoin, la nécessité de se défouler. Il va inventer le « disque express ».

Pas si surprenant que ça...

Le 14 avril de l'année précédente, John et Paul jouant de tous les instruments (donc, à deux Beatles au lieu de quatre) avaient enregistré "The Ballad of John and Yoko", un 45 tours qui avait pu sortir le 30 mai. Les fans des Beatles, semble-t-il, n’y trouvèrent rien à redire puisque la chanson devint n°1 du hit-parade anglais et 8ème aux Etats-Unis. Lennon, certainement, avait prit goût à ces séances rapidement expédiées.

Instant Karma, un disque réalisé dans l'urgence

A la suite, pourquoi pas, d'un pari avec lui-même (le mot challenge n'est pas encore à la mode), John se met en tête de sortir un disque en 24 heures ! Dans les faits, il faudra quinze jours avant que le 45 tours n'atteigne les boutiques. Mais quand même, il s'agit d'un record : la chanson est enregistrée dans la nuit du 26 au 27 janvier 1970. Et le 6 février, elle est disponible chez les disquaires britanniques.

Retour sur un projet un peu fou...

Le 26 janvier, John implore George Harrison de venir poser sa guitare sur sa nouvelle chanson. Lorsque George arrive au studio, y sont déjà réunis le batteur Alan White et le bassiste Klaus Voorman (un vieil ami des Beatles qui avait conçu la pochette de leur 33 tours "Revolver"). Pour superviser le tout, un Américain connu de longue date, le producteur fou Phil Spector. Présent également, Billy Preston, ce Noir américain qui, au piano électrique, avait tenu le rôle de cinquième Beatles durant les enregistrement de "Get Back" et du 33 tours "Let It Be" dont la sortie, d’ailleurs, est imminente. John, en secret, voulait-il, tout seul ou presque, supplanter le groupe dans les hit-parades ? Connaissant son ego, c’est loin d’être impossible. Raté, cependant : « Instant Karma » par John Lennon, Yoko Ono et le Plastic Ono Band sera 5ème en février et mars, mais "Let it be" sera n°2 en mars. Et le 10 avril Paul McCartney annonçait officiellement la séparation du groupe. Fin ? Non, il restait de quoi publier un ultime (et donc « posthume ») album 33 tours.

Une expérience non dénuée de conséquences...

Dans un premier temps, John et George s’étaient retrouvés quelque peu décontenancés par le comportement de Spector. Ils le savaient assez fou et paranoïaque... mais pas au point d’être en permanence accompagné par un garde du corps. Mais bien que fantasque, Spector était un sorcier du son. Le travail remarquable qu’il avait effectué pour « Instant Karma » conduisit les deux Beatles à lui proposer de mixer leur prochain 33 tours, « Let It Be », ce qu’il fit du 23 mars au 2 avril. La boulette ! Cette initiative mènera à un procès intenté par Paul McCartney (N’empêche ! Même si Paul considérait que le disque avait été saboté, au moins était-il sorti !).