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Bloc Party un météore ?

Rédaction : Christophe Billars le 8 janvier 2024

À l’heure d’aborder ce nouveau chapitre de « Mes disques de A à Z » consacré à Bloc Party, j’avoue ne pas avoir écouté ce groupe depuis des années et n’y serais peut-être jamais revenu sans cela. Je garde le souvenir d’artistes propulsés sur le devant de la scène par un premier album, toujours dans mon souvenir, multitubesque. Mais est-ce la voix à la longue irritante de son chanteur Kele Orekeke ? Au fait que je ne sois pas allé plus loin que le 3ème album d’un groupe n’ayant me semble-t-il jamais retrouvé la fraîcheur des débuts et dissimulé cette absence derrière des artifices envahissants ? Je ne sais pas mais c’est en replongeant dans des albums délaissés parfois qu’on y trouve ce qu’auparavant on n’y cherchait pas, ces albums ayant survécu aux années, révélant une profondeur insoupçonnée alors. Alors Bloc Party ne fut-il qu’un météore futile ou un groupe ayant su évoluer, mûrir et gagner peut-être avec le temps une vraie légitimité ? Voilà beaucoup de questions pour un début auxquelles je vais essayer d’apporter ma réponse.

C’est en 2005 qu’on découvre Bloc Party avec leur premier album coup de poing « Silent alarm ».
bloc party silent alarmKele Orekeke
et Russell Lissack s’étaient rencontrés quelques années auparavant à Londres alors qu’ils étaient encore étudiants. Il faudra cependant attendre 2003 pour que naisse Bloc Party et 2005 donc pour le succès. Car en effet, « Silent alarm » est une déflagration d’un rock nerveux, qui puise clairement ses influences dans le post punk du début des 80’s dont il reprend la froideur sonore, à l’image de la pochette glacée. C’est du côté de Wire, Gang of Four, Talking Heads et consorts qu’il faut trouver des liens, chez ceux qui savaient marier la rigueur et la froideur et faire bouger les jambes en même temps. À coups de riffs de guitares ultra incisifs, emmenée par une batterie martiale et souple à la fois, le groupe va dérouler les bombes irrésistibles propulsées par la voix si caractéristique de Kele Orekeke, haut perchée et qui attaque dans tous les virages, tel un Robert Smith sous amphètes. Comment résister à des titres aussi imparables, efficaces et exaltés que « Like eating glass », « Helicopter », « Banquet », « She’s hearing voices » ou encore « The pionneers ».

Mais le groupe sait aussi varier son jeu, prendre des chemins plus aventureux. « This modern house » est plus contenue, gardant l’énergie toujours au bord de l’explosion jusqu’à la belle cavalcade finale. « Price of gazoline » ne faiblit jamais tel un rouleau compresseur inarrêtable. C’est peut-être dans sa dernière partie que « Silent alarm » est moins convaincant, avec des titres plus oubliables tels « Luno » ou « Plans » voir même l’atmosphérique « Compliments » placé en toute fin d’un album au final inégal mais tout de même catapulté par ses singles vers un succès mérité.

bloc party a weekend in the cityQuand en 2007, le groupe aborde le toujours difficile et casse-gueule 2ème album, surtout quand on est attendu au tournant d’un succès. Ne cherchant pas à courir après le single parfait, Bloc Party semble avoir penché pour l’ambition en montrant justement qu’il n’était pas le groupe d’un seul album. Et force est de constater, alors que je le réécoute plus de 15 ans après sa sortie, que ce « A weekend in the city » est impressionnant, réduisant mes craintes initiales à néant. Produit par Jacknife Lee, qui a travaillé avec R.E.M, U2 ou encore The Cars, l’album est remarquablement homogène, plus difficile d’accès mais aussi plus long en bouche que le précédent. Le son s’est complexifié et étoffé, cordes et chœurs sont employés à plusieurs reprises sans que jamais l’énergie en pâtisse car les guitares sont toujours aussi tranchantes et incisives.

Dès la magnifique introduction de « Song for Clay (disappear here) », la voix cristalline de Kele Orekeke fait merveille et amorce un titre supérieur à tous ceux de l’album précédent avec changements de rythmes et d’atmosphères, porté par une batterie impitoyable. Même réussite pour « Hunting for witches » qui imprime son motif de guitare sinueux dans un titre dénonçant le climat de paranoïa générale de l’époque : « The Daily Mail says the enemy is among us ».

On est impressionné par l’apocalyptique « The prayer », ses chœurs de gorges et son refrain ou encore l’incroyable « Uniform » titre à étages qui sont largués comme des vagues successives.

Sur « On » le tempo se ralentit, le son s’allège et évoque ce que pouvait faire à l’époque TV On The Radio avec un Kele Orekeke impérial au chant. Le titre se bonifie à chaque écoute.

Quand l’immense « Where is home ? » décolle, c’est comme s’il offrait une porte de sortie à un monde devenu terrifiant. Le fantôme du Bowie berlinois plane évidemment au-dessus de « Kreutzberg » qui se démarque nettement du reste de l’album et prouve à quel point Bloc Party a su se renouveler sans se renier. « I still remember » apparait du coup plus conventionnel et attendu alors que « Flux » est un OVNI aux pulsations électroniques frénétiques, à la voix vocodérisée. Seule la batterie imposante de « Sunday » ne s’interrompt presque jamais et quand c’est le cas, c’est pour mieux annoncer un déluge de guitares. On termine par « Srxt » superbe morceau atmosphérique et dépouillé qui ne tient que sur une nappe de clavier, quelques notes de guitares aigrelettes, des bruits étranges tout au fond et la voix apaisée de Kele Orekeke. Il faudra attendre 3 minutes pour le décollage, une montée sombre et lyrique de claviers, de chœurs et de guitares avant de retomber et clore un album que je redécouvre avec bonheur et constate à quel point il n’a pas pris une ride et reste une oeuvre centrale des années 2000.

bloc party intimacyC’est presque par surprise que sort en 2008, dans la foulée du précédent, le 3ème album du groupe « Intimacy ».
Dès l’Intro de fin du monde d’« Ares », ses guitares hurlantes en mode sirènes d’alarme, ses lyrics scandés un peu fatigants tout de même, sa batterie allumée et surtout ses sonorités électroniques étranges on suppose que Bloc Party, encore une fois, ne fait pas du surplace mais cherche à évoluer. Plus loin dans le morceau on se retrouve dans l’espace, en apesanteur, le bruit et la fureur loin derrière nous mais ce n’est qu’un court répit avant de replonger dans le chaos sonore et la fuite d’une batterie devenue folle. Cependant « Ares » souffre d’une lourdeur qui prend le pas sur l’énergie et en plombe l’écoute. Avec ce single vrillé qu’est « Mercury », un morceau vicieux et puissant, tortueux comme un nœud inextricable de sonorités électroniques flippantes, de guitares vénéneuses la supposition devient confirmation. Bloc Party est en 2008 un groupe qui à l’instar de Radiohead, explore de nouveaux univers mais sans jamais renoncer à ce qui fait son essence depuis le début : l’énergie combinée à une froideur perpétuellement présente.

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L’album va d’ailleurs se présenter comme un condensé du savoir-faire du groupe. Des titres comme des directs au foie puisant leur source dans les singles de « Silent alarm », guitares incisives en avant. C’est le cas de « Halo » single nerveux aux guitares tranchantes comme des rasoirs, de « Trojan horse » et « One month off » plus convenus mais efficaces. Il est révélateur qu’au final, ces morceaux soient finalement les moments faibles du disque, moins surprenant que ceux qui en constituent les sommets.

C’est bien sur des morceaux plus aventureux, où l’électronique prend souvent le pas sur les guitares, que Bloc Party va impressionner et faire d’« Intimacy » un album passionnant. En effet par exemple avec ce superbe « Biko », planant et tout en retenue, suspendu à la voix gracieuse de Kele Orekeke et aux bidouillages électroniques, qui n’est pas sans rappeler les expérimentations du Radiohead de l’époque. Un des grands titres de l’album à n’en pas douter. Mais c’est aussi « Zephyrus » aux chœurs majestueux, « Talons » dont la puissance noire ne faiblit jamais, « Signs » somptueux titre atmosphérique.

L’album risqué et réussi, se termine en apothéose par le fantastique « Ion Square » qui démarre sur une intro planante puis se met sur ses rails pour ne plus s‘en écarter, montant progressivement en puissance.

C’est encore une fois qu’il faut régulièrement se replonger dans des albums que nous n’avons pas pu, su, voulu apprécier par le passé. Je redécouvre Bloc Party aujourd’hui comme un groupe des années 2000 qui ne s’est jamais reposé sur ses lauriers et, au risque de décevoir, album après album a cherché de nouvelles voies mais qui n’aura peut-être pas sorti le chef d’oeuvre homogène qui aurait fait date, à l’instar du « Kid A » (2000) de Radiohead. J’avais à l’époque donc lâché le groupe. Depuis, 3 autres albums sont sortis – « Four » (2012), « Hymns » (2016) et le récent « Alpha games » (2022). Je ne les connais pas mais bien évidemment j’ai tort.

Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles

Auteur

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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