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La sélection des albums sortis en avril 2025

Rédaction : Christophe Billars le 1 mai 2025

« April, Come She Will » / « When Streams Are Ripe And Swelled With Rain » sont les mots qui me viennent à l'esprit au moment d'entamer ce nouveau « En 4ème Vitesse ». Ce sont les premiers vers de la sublime chanson signée Paul Simon, que l'on retrouve sur l'album « Sounds Of Silence » (1966) de Simon And Garfunkel et qui égrène, à partir d'avril, les mois de l'année à la météo changeante comme les sentiments de la fille qu'il aime.

Souvent métaphore de la naissance d'un amour, avril a fréquemment inspiré les artistes. Sur « Avril 4000 » extrait de son dernier album, Albin De La Simone « Toi Là-Bas » (2025) imagine une rencontre amoureuse au début du 5ème millénaire. En 1969, alors que Ian Gillan n'était pas encore au chant, Deep Purple terminait son 3ème album « Deep Purple » par les 12 minutes du titre « April » avec sa longue (et un peu chiante il faut le dire) intro. Du très long au très court, « April » est également un intermède instrumental au piano de 50 secondes sur l'album « III » (2019) de The Lumineers. Une chanson noisy et vaporeuse d'un groupe un peu injustement oublié du début des 90's Chapterhouse, sur son album « Whirlpool » (1990), porte aussi ce titre et Caravan Palace refermait son album « Chronologic » (2019) par la chanson « April ».

Impossible de ne pas citer le saxophoniste Charlie « Bird » Parker et son ultra romantique « April In Paris » sur « Charlie Parker With Strings » (1949) et pour finir évidemment, la très pénible Avril Lavigne. Mais bon, on ne choisit pas son prénom.

Allez c'est parti, avril à nous deux !

L'album du mois Perfume Genius – Glory

perfume genius – glory

Je n'ai découvert Mike Hadreas qu'en 2020 avec l'album « Set My Heart On Fire Immediately », bouleversant d'émotions. Perfume Genius est l'alias que le compositeur interprète américain a choisi pour nom d'artiste sous lequel il a déjà 6 albums à son actif depuis « Learning » (2012). Après plusieurs écoutes de ce « Glory » nouveau, un constat : cette collection de 11 titres est ce que j'ai entendu de plus générateur de frissons depuis longtemps. Je connais peu d'artistes autant à fleur de peau que Mike Hadreas, tant ces chansons émeuvent par leur sincérité et son interprétation, qui donnent la sensation qu'il se met littéralement à nu.

Si l'on excepte la poussée d'électricité fiévreuse de « No Front Teeth » qu'il interprète en duo avec Aldous Harding, tous les titres font le pari de la sobriété des arrangements, voire parfois du dépouillement, mais c'est pour mieux aller à l'essentiel et révéler leur beauté. Et sur ce plan-là, on n'affronte pas Perfume Genius. Depuis ses débuts Mike Hadreas raconte sans fards, en loser magnifique, son passé difficile de toxicomane, ne cache rien de son homosexualité et des difficultés qu'il a pu rencontrer pour enfin trouver des gens avec qui il puisse être à l'aise. Mais l'introspection et la confession intime sont des arts difficiles et il faut tout le talent de Mike Hadreas pour relever le défi.

Sur le sublime, et je pèse mes mots, « Me & Angel » avec juste un piano et une batterie discrète, sa voix atteint des sommets d'émotion : « If He's An Angel », aucun doute qu'il tutoie les anges à l'écoute de cette splendeur. Même constat sur « Clean Heart » où quelques percussions, un vibraphone, des choeurs aériens suffisent tandis que la plainte magnifique qu'est la chanson nous met la larme à l'oeil.

Mais des sommets, il n'y a que ça sur cet album. Le grand batteur Jim Keltner a joué avec à peu près tout le monde, de John Lennon à George Harrison, de Bob Dylan à Neil Young, d'Elvis Costello à Tom Petty, j'en passe et des wagons, tout le monde je vous dis. C'est lui qui officie sur plusieurs titres dont le merveilleux « Left For Tomorrow » où il caresse ses fûts sur des nappes de synthés soyeuses et une basse d'une rondeur sensuelle. Lui encore sur « Full On », titre d'un niveau tel qu'il aurait sa place les doigts dans le nez sur un album de Sufjan Stevens, la voix de Mike Hadreas capable des mêmes prouesses que son compatriote, provoque des frissons. Lui toujours sur le mélancolique « In A Row » dont le refrain explose dans un déluge lyrique. Lui enfin sur le chef d'oeuvre « Hanging Out » sur lequel plane le fantôme de Mark Hollis et de Talk Talk tant le titre installe une atmosphère étrange et envoutante, jouant avec les ruptures et les silences. Voici « It's A Mirror », le titre introductif ici proposé live.

« Glory » est d'ores et déjà un des albums de l'année et n'a pas fini de faire pleurer dans les chaumières.

Cocorosie – Little Death Wishes

cocorosie – little death wishes

Alors pour dire la vérité, je crois que je n'avais jamais écouté un seul album des sœurs Casady, alias Cocorosie, en entier. Bien sûr j'y avais jeté une oreille par-ci par-là mais finalement n'avais pas une seule fois été suffisamment accroché pour avoir l'envie de pousser plus loin.

Pourtant, cette entreprise familiale d'Outre Atlantique prospère depuis 2004 et son premier album, unanimement applaudi, « La Maison De Mon Rêve » enregistré, voire même bricolé dans leur appartement parisien par les deux sœurs. Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, je constate aujourd'hui dans le folk artisanal et expérimental de ce premier album, qui mêle aux voix étranges et trainantes des deux sœurs des bruits du quotidien et semble tout droit sorti d'un rêve, qu'il n'est sans doute par pour rien dans le renouveau du folk de ce début de millénaire.

Alors cette fois-ci je me lance puisque voici le 7ème album du duo « Little Death Wishes » et promis je vais l'écouter en entier.

Première constatation, on est loin ici de la simplicité des débuts, loin de titres faits avec quatre bouts de ficelles. Cocorosie a musclé son jeu, truffant l'album de beats électroniques, de sons synthétiques, de voix trafiquées et présente une variété de genres très importante : pop, rap, électro se télescopent avec plus ou moins de bonheur sur ces 12 titres nouveaux. Difficile de classer cette musique qui ne se laisse pas enfermer facilement dans une case.

Dès « Wait For Me », superbe entrée en matière, on est happé par la voix haut perchée sur des rythmes électroniques discrets, évoquant presque une magicienne lançant un sortilège dans un monde fantastique. Car la musique de Cocorosie prend ici un tour onirique pour ce qui sera un des sommets de l'album.

é.

Puis vient le single « Cut Stitch Scar » à la rythmique raide, qui connait cependant en son milieu des moments de suspens avant que la machine se relance, ma foi assez efficace mais peut-être un peu long et avare en frissons. On retrouve de la légèreté avec « Yesterday » ses notes de ce qui ressemble à un xylophone et ses paroles quasi rappées, selon moi le meilleur titre de l'album, qui s'insinue petit à petit dans notre tête, infusant son parfum légèrement décalé et mutin.

Sur « Paper Boat » le rap décalé et dépouillé fonctionne très bien, ce qui sera moins le cas sur les autres titres qui s'aventurent dans le genre tels « Nothing But Garbage » un peu long et rébarbatif ou encore « Girl In Town », un duo avec Chance The Rapper bien peu original. On passera également sur le quelconque « Least I Have You » pourtant étonnament premier single de l'album. Heureusement l'album se termine sur une double réussite. Tout d'abord l'enthousiasmant « Pushing Daisies » à la rythmique un peu folle et hachée et enfin « Unbroken », ballade au piano, apaisée, à peine traversée de quelques beats électroniques et enveloppée dans une nappe synthétique. Une conclusion calme, bienvenue, après un album qui part un peu dans tous les sens mais fourmille d'idées.

Tunde Adebimpe – Thee Black Boltz

tunde adebimpe – thee black boltz

Pas sûr que le nom de Tunde Adebimpe n'évoque grand-chose pour nombre d'entre vous, et pourtant. Sa voix est celle qui a illuminé les 6 albums du groupe New-Yorkais TV On The Radio entre 2004 et 2014. Je considère d'ailleurs « Dear Science » (2008) comme un des grands disques de la première décennie du millénaire, portant à la perfection ce mélange de rock, de funk, de soul et d'expérimentations diverses sous la houlette du sorcier du son David Sitek, producteur et multi -instrumentiste du groupe. David Bowie lui-même ne s'y est pas trompé qui chante sur la chanson « Province » sur l'album « Return To Cookie Mountain » (2006) et montera sur scène avec eux. TVOTR lui rendra hommage en reprenant « Heroes ». Mais depuis 2014 et l 'album « Seeds », TVOTR est en sommeil même si une nouvelle tournée est annoncée.

Rien n'empêchait donc leur chanteur de se lancer dans un projet solo qui se matérialise avec « Thee Black Boltz ». Tout d'abord, quelle bonheur de retrouver cette voix absolument merveilleuse qui n'a pas changé, avec ce grain si particulier, sa capacité à monter dans les aigus qui le rend capable de magnifier une chanson par son interprétation. Musicalement l'album est dans une veine électro soul que des guitares viennent lézarder, accompagnées de nappes et boucles synthétiques sur lesquelles Tunde Adebimpe n'a plus qu'à chanter, à merveille.

La première partie de l'album est particulièrement réussie avec le frénétique « Magnetic » qui, en 2'30 survitaminées devrait enflammer les dancefloors suivi par le plus pop « Ate The Moon » au rythme haché et implacable qui fonce vers un refrain tel un vaisseau spatial lancé à travers le vide.

Sur « Pinstack », une vignette pop à la Ray Davies des Kinks, la voix de Tunde fait des arabesques mais c'est avec « Drop » qu'on parvient au sommet de l'album. Introduit au beatbox, le titre, mid-tempo, bénéficie de l'interprétation magique de Tunde Adebimpe qui est bouleversante de mélancolie et on tutoie enfin les meilleurs moments de TVOTR.

Malheureusement, après ce col hors catégorie, la suite ressemble à une étape de plaine sans surprises. Non que ces « The Most » , « God Knows » et « Blue » soient de mauvais titres, mais ils constituent un ventre mou sans relief particulier. C'est là qu'on se rend compte que n'est pas David Sitek qui veut pour tirer le meilleur d'une chanson par des trouvailles d'arrangements, des sons originaux. Heureusement on quitte l'album sur l'excellent « Streetlight Nuevo » qui nous laisse sur une impression positive.

Tunde Adebimpe n'a pas à rougir, loin s'en faut, de ce premier essai en solo, excellent sur une bonne moitié des titres mais souffrant quelque peu de baisses d'intensité.

Bon Iver – SABLE, fABLE

bon iver – sable, fable

Commençons par préciser que Bon Iver n'est pas une personne mais un groupe américain. Deuxième précision, ce nom n'a pas été choisi en hommage à Bon Jovi – le pire du rock ricain pour ceux qui ne verraient pas – mais par dérivation de l'expression française « Bon Hiver » par Justin Vernon, natif du Wisconsin où l'on sait ce que « hiver » veut dire, créateur et cerveau de Bon Iver dont « SABLE, fABLE » est le 5ème album depuis l'inaugural « For Emma, Forever Ago » (2008). Parti d'un indie folk sobre, bouleversant et quasi mystique sur ses deux premiers albums, Bon Iver avait pris un virage plus expérimental, déroutant, sur « 22, A Million » (2016) et « I,I » (2019) , introduisant des sons électroniques, des samples et utilisant même un instrument destiné à trafiquer la voix de Justin Vernon appelé « La Messina » du nom de son créateur Chris Messina. Cette même voix, reconnaissable entre mille avec son falsetto, cette capacité à monter vers de très hautes notes qui lui permet d'exprimer ainsi des émotions puissantes.

À l'écoute de ce nouvel album, il semble que Vernon ait décidé de retrouver une certaine simplicité des débuts ce qui ne signifie pas, loin de là, une sécheresse instrumentale tant le disque regorge d'harmonies vocales, de synthés, de piano voire de cuivres comme les saxophones présents sur « Awards Seasons ». Mais c'est certainement sur les titres les plus dépouillés que sont les très beaux « Things Behind, Things Behind Things » et « Speyside » placés en tête de l'album, que Bon Iver touche sa cible, en plein cœur même tant les émotions produites par ces deux morceaux sont, de par leur simplicité même, intenses.

Dans sa 2ème partie, l'album prend des couleurs instrumentales plus variées et paradoxalement perd en intensité et en richesse. Attention le disque ne devient pas mauvais pour autant mais peine à s'extirper d'une certaine fadeur que l'orientation parfois soft rock californien installe. Curieuse impression que produit l'enchainement des titres tels que « Walk On », « Day One », « From » ou « I'll Be There » qui ne sont objectivement pas mauvais mais qui suscitent peu à peu une forme d'ennui et de monotonie, renforcée par leur aspect sucré et sirupeux telle une pâtisserie délicieuse sur les premières bouchées puis un peu écoeurante. Bien sûr la voix de Justin Vernon, qui évoque parfois celle de Peter Gabriel, est captivante et des titres tels que le plus soul « Everything Is Peaceful Love » ou encore « If Only I Could Wait » en duo avec Daniele Haim sont des réussites incontestables mais l'ensemble peine à convaincre sur la longueur et la répétition des écoutes ne parvient pas à chasser cette impression.

Je ne voudrais pas achever cette chronique sans évoquer la sortie d'un single annonciateur d'un album à venir. Car oui, Pulp est de retour avec « Spike Island », premier extrait de « More » annoncé pour le mois de juin. Quand vous saurez que je tiens le groupe de Jarvis Cocker pour le meilleur des 90's, vous comprendrez la raison de cette conclusion. Plus de 20 ans après « We Love Life » (2001) dernier album en date, 3 ans après le décès du bassiste historique Steve Mackey, « Spike Island » reprend les choses là où Pulp les avait laissées. Vivement juin. On y reviendra.

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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