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La sélection des albums sortis en juin 2025

Écrit par Christophe Billars le 1 juillet 2025

« En 4ème Vitesse - Les Albums Sortis En Juin 2025 »

« Juin Froid Et Pluvieux, Tout L'An Sera Grincheux » dit le proverbe. De ce côté-là, pas d'inquiétude, le soleil est au rendez-vous, la saison des festivals a débuté et les vacances approchent. Ce mois de juin 2025 est estival. Avant de détailler les sorties du mois, voyons un peu quels artistes ont été inspirés par ce 6ème mois de l'année, symbole de la jeunesse dont une partie s'apprête, rituel français, à passer son Bac.

« En Claquettes Dans La Zone, J'Fais Chanter Tout L'Vélodrome » « chante » l'auto-tuné Jul dans « 22 Juin 2022 », titre qui a au moins le mérite de confirmer que ses chances d'être nommé au Prix Nobel de littérature semblent compromises. Le rapport avec le 22 juin 2022 ? Aucun. C'est juste le jour où la chanson fut créée. C'est vrai quoi, pourquoi s'embêter avec des titres qui ont un sens ? Mais c'est finalement à peine pire qu'Indochine qui dans le trèèèès pénible « June » essaie de donner voix par l'intermédiaire de Nicolas Sirkis à « Une Jeune Fille Qui S'Éteint ». Éteignons plutôt l'appareil qui diffuse cette chose. Heureusement juin n'a pas inspiré que des bouses. Sur le très noir et martial « June » extrait de l'album « Joy As An Act Of Resistance » (2018), le groupe Idles chante la mort d'un enfant à peine né « Baby Shoes For Sale, Never Worn / Vends Chaussures Bébé, Jamais Portées ». Glaçant. C'est également le duo folk français, mais qui chante en anglais, Cocoon qui sur leur Ep « From The Panda Mountains » (2007) interprète le très beau « June » : « My Name Is June / And I'm Doing Fine / But People Call Me March ». Je n'ai pas d'appétit particulier pour la musique de Florence + The Machine trop enrobée pour moi et ce « June » qui ouvre l'album « High As Hope » (2018) n'échappe pas à une certaine lourdeur. Ce qui n'est pas le cas de Dan Bejar alias Destroyer qui, sur le très sophistiqué « June » sur l'album « Labyrinthitis » (2022) célèbre la renaissance dûe à la musique, la lune et le mois de juin : « Then You Look Up By Chance From The Disco Dance / You're Doing Into The Light Of The Moon / It's June And You've Been Proved / Yes, You, Are Renewed / Puis, Par Hasard, Tu Lèves Les Yeux De La Danse Disco. / Tu Es Dans La Lumière De La Lune. / C'est Juin Et Tu As Fait Tes Preuves. / Oui, Tu Es Renouvelé. ». Terminons, à tout seigneur tout honneur, par Prince et son « June », dernier titre de son dernier album « Hitnrun Phase One » (2015), somptueuse ballade ultra dépouillée qui montre que jusqu'à la fin, il savait émouvoir : « Something's Burning On The Stove / Must Be The Pasta / Must Be The Pasta / Oh Yeah, It's June / Quelque Chose Brûle Sur Le Feu / Ce Doit Être Les Pâtes / Oh Oui, C'est Juin ».

Album du mois : Pulp "More"

pulp–more

Est-ce un hasard si la pochette du dernier album du groupe de Jarvis Cocker arbore la couleur des courts de Roland Garros ? Parce qu'en matière de retours gagnants, Pulp n'a rien à envier à Jannick Sinner et Carlos Alcaraz. C'est peu dire que j'attendais cet album inespéré, d'autant plus que le formidable single « Spike Island » envoyé en éclaireur m'avait mis l'eau à la bouche. On y retrouve tout ce qui caractérise le groupe de Sheffield à savoir une pop flamboyante, interprétée tête haute, enrobée de cordes, soutenue par une basse élastique, pleine de curieux bruits électroniques et surtout emmenée par la voix intacte du grand Jarvis Cocker. L'influence du Bowie berlinois est, comme sur l'album « This Is Hardcore », chef d'oeuvre de 1998, très présente.

Dans les années 90, quand on s'écharpait pour savoir qui de Blur ou d'Oasis serait le plus grand groupe bla-bla-bla, pour moi, et bien d'autres, la question ne se posait même pas. Car la réponse était évidente, aucun de ces deux ne surpassait Pulp. On n'aligne pas des albums aussi essentiels que « Separations » (1992), « His'N'Hers » (1994), « Different Class » (1995) et « This Is Hardcore » (1998) par hasard. On ne compose pas l'hymne indétronable qu'est « Common People » sans raison. Pulp est unique, leur son est unique, profondément original et « More », leur premier album depuis 24 ans, une réussite totale. Pour cela, ils sont allés chercher James Ford, le producteur des derniers Depeche Mode, Arctic Monkeys et Fontaines D.C – excusez du peu – et dédient cet album à Steve Mackey, leur bassiste récemment décédé.

Passé le single « Spike Island », les 13 titres de l'album défilent sans temps mort ni faible, le plus souvent sur des tempos enlevés, parfois plus apaisés mais toujours richement ornés de cordes , de choeurs et n'hésitant pas à tutoyer l'emphase, ce kitsch « Pulpien » caractéristique qui, jamais, ne sombre dans l'indigeste, restant toujours sur le fil, miracle d'équilibre, quintessence de l'art du groupe. Et les perles défilent, comme si le temps n'avait pas passé depuis les 90's, mais sonnant résolument modernes. Dans l'électrisant « Tina », sous un déluge de cordes, Jarvis Cocker chante une histoire d'amour rêvée avec celle qu'il n'a jamais abordée « We 're Really Good Together Cos We Never Meet ». « Growns Up » a tout d'un tube en puissance et j'adore ce « Slow Jam » avec son énorme basse et son refrain en apesanteur comme une houle majestueuse qui enfle.

Sur l'étonnant et excellent « My Sex », Jarvis Cocker prouve encore à quel point il est capable d'humour « My Sex Leaves Much To Be Desired / Spoken Of In Whispers Behind Closed Doors / Mon Sexe Laisse Beaucoup À Désirer / On En Parle À Voix Basse Derrière Des Portes Close ». « Go To Have Love » est un disco survitaminé prêt à enflammer les dancefloors suivi par le mélancolique et magnifique « Background Noise ». Mais c'est surtout « Hymn Of The North » qui impressionne avec Chilly Gonzales au piano pour un titre à plusieurs étages largués successivement au fur et à mesure que le titre prend son envol jusqu'à atteindre l'orbite terrestre dans un final merveilleux. Il ne reste plus qu'à se laisser bercer par le plus acoustique « A Sunset » qui termine l'album en beauté.

Pulp est un groupe bien vivant, au sommet de son art et on a envie de rependre avec eux les paroles de « Got To Have Love » pour résumer « It Goes : L.O.V.E / You Spell It : L.O.V.E ». Oui on vous aime.

These New Puritans
"Crooked Wing"

these new puritans–crooked wing

Ce qui frappe d'abord sur « Crooked Wing » 5ème album des jumeaux George et Jack Barnett alias These New Puritans, c'est la blancheur immaculée de la pochette contrastant avec le noir inquiétant du sous-bois du tableau, signé Jack Barnett lui-même. On retrouve cette esthétique en noir et blanc dans les photos de la pochette intérieure, représentant les profils anguleux des deux frères responsables d'à peu près tout sur le disque, la pochette donc mais aussi l'écriture, la composition, les batteries et percussions, le piano, l'orgue, le violoncelle et j'en passe. Originaires de Southend-On-Sea, sur l'estuaire de la Tamise, on peut qualifier leur musique de sophistiquée, d'arty, loin des canons habituels de la pop ou du rock, voire même de mystique tant elle incite au recueillement.

Illustrant le contraste de la pochette, les premières (et dernières de l'album) paroles du titre introductif « Waiting », « I Am Buried / I Am Deep Underground / I Am Listening / For Any Sound - Je Suis Enterré / Je Suis Profondément Sous Terre / J'Écoute / Le Moindre Bruit » chantée par une voix haut perchée et céleste, accompagnée d'un orgue et de quelques cloches, annoncent la couleur dans un morceau d'une beauté saisissante. Tout autant que « Bells » flottant sur un tapis de cloches d'églises et de voix mises en boucles, formant une somptueuse et délicate construction.

La quiétude du début d'album est brutalement rompue par le quasi industriel et très angoissant «A Season Of Hell » et son orgue tournoyant contrastant avec des beats rageurs et martiaux. Caroline Polachek est invitée sur le très beau « Industrial Love Song » en duo avec Jack Barnett. Plus loin, une sourde torpeur émane de « Wild Fields (I Don't Want To) », aux sombres nappes de synthés mais contrebalancée par les voix et les cloches tournées vers le ciel.

Après un « The Old World » tout en suspens arrive « Crooked Wings ». Le titre est composé en deux parties séparées par un instant de silence ; la première s'appuie sur un rythme de batterie massif et s'apparente à une élévation constante avant que le silence ne l'interrompe. C'est alors un piano cristallin qui prend le relais accompagné par la voix de Jack, l'orgue et les cloches omniprésents tout au long du disque, qui lui confèrent son aspect mystique. On termine avec le calme et l'épure de « Goodnight » que la pureté d'une trompette magnifie.

« Crooked » est un album exigeant qui demande attention et concentration pour en percevoir les beautés cachées et subtiles.

The Cure
"Mixes Of The Lost World"

the cure–mixes of the lost world

Les remixes n'ont pas toujours eu bonne presse, surtout quand il s'agissait de carrosser des tubes rock pour en faire des produits destinés aux clubs. Avec "Mixes Of The Lost World" on en est loin. Seulement quelques mois après la parution du dernier et magistral album de The Cure "Songs Of The Lost World", dont j'ai longuement parlé ici même, 24 artistes venant de la scène électro, et pas des moindres, s'emparent des 8 titres, les déconstruisent, et les rebâtissent dans des versions à la fois éloignées dans la mise en scène sonore mais toujours proches de l'esprit du groupe de Robert Smith. Chaque chanson de l'album est ainsi retravaillée 3 fois par entre autres Daniel Avery, Orbital, Paul Oakenfold, Mogwai, Anja Schneider, Trentmoller, Four Tet et j'en passe.

On se rappelle qu'en 1990, le groupe avait déjà confié certains de ses morceaux à des remixeurs et cela avait donné « Mixed Up » (1990). Il n'est donc pas étonnant que Robert Smith adhère à ce genre de réappropriation de sa musique par d'autres. Par ailleurs, on constate à quel point The Cure est important pour des musiciens de tous horizons et de toutes les générations.

Bien entendu, l'album est inégal mais d'un niveau général élevé et surtout comporte de très grandes réussites. On note d'entrée de jeu la version brumeuse et atmosphérique d' « I Can Never Say Goodbye » par Paul Oakenfold qui ouvre l'album, pleine de cordes imposantes. Comment réinventer ce chef d'oeuvre qu'est "Endsong" sans se prendre les pieds dans le tapis? Orbital répond avec un trip électronique impressionnant, véritable odyssée magnifiée par la voix de Robert.

La version d' « And Nothing Is Forever » par Danny Briottet et Rico Conning fait dans l'économie de moyen tandis que celle de Cosmodelica Electric Eden nous entraine dans une sarabande pop réjouissante. Un autre sommet de l'album est « Drone : Nodrone » par Anja Schneider qui en livre une version entêtante et hallucinée.

Il serait fastidieux de passer en revue tous les titres de cet album juqu'au remix de « Endsong » par Mogwai qui s'approprie totalement le morceau qui pourrait parfaitement s'intégrer sur un des albums des Écossais. C'est à chacun de se ballader au gré de ses goûts et de ses envies, Curiste ou pas.

Ty Segall
"Possession"

ty segall–possession

Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler de Ty Segall, il s'agit d'un presque quadra américain, à la fois chanteur, guitariste et batteur et qui, depuis 2008, mène une carrière prolifique en terme d'albums soit sous son nom soit au sein de multiples projets collaboratifs. Je l'ai pour ma part découvert en 2018 avec l'album « Joy » co-réalisé avec Tim Presley alias White Fence. Sans être totalement enthousiaste, j'avais apprécié ce rock à tendance psychédélique, garage par son aspect assez brut et qui fleurait bon les 60's.

« Possession » se situe plusieurs crans au-dessus, en témoigne l'excellentissime et Beatlesienne dans l'âme « Shoplifter », placée en tête d'album. Piano, envolées de cordes, choeurs, batterie métronomique font décoller ce titre qui pose le décor. Les références sont à chercher à la charnière des 60's et des early 70's, du côté de Lennon, de George Harrison mais aussi des sonorités glam. On est par exemple hyper surpris après l'intro de « The Big Day », de ne pas entendre David Bowie chanter « Ziggy Played Guitar... » tant elle est un décalque de celle de « Ziggy Stardust ».

« Possession » le titre, toutes guitares glam en avant est une réussite, ainsi que « Buildings », plus apaisé mais qui conserve une légèreté qui est le propre de l'album que l'on peut qualifier de rayonnant, de solaire.

« Shining » poursuit dans cette veine glam ensoleillé et ce jusqu'au bout d'un album en tous points réussi jusqu'à « Another California Song » et son riff hyper accrocheur.

« Possession » finit par vaincre toute résistance par la seule qualité des compositions et des arrangements. Il serait bien dommage de passer à côté.

Foxwarren
"2"

foxwarren 2

Clôturons ce « En 4ème Vitesse » de début d'été avec le 2ème album de Foxwarren, quintette canadien formé autour d'Andy Shauf, qui s'est fait un nom dans le domaine de l'indie-folk, et de deux de ses amis d'enfance. Je découvre avec bonheur à la fois le groupe et l'album, qui a été concu comme un assemblage des idées de chacun des membres du groupe qu'ils ont confiées à Andy Shauf. À partir de ce matériaux que Shauf a rassemblés, agencés, collés sont nés les 15 morceaux de « 2 » dont 3 interludes.

Il en résulte un album lumineux, léger et bourré d'idées mélodiques, qui laisse entrer, fenêtres grandes ouvertes, une multitude d'instruments acoustiques, électriques ou de boucles électroniques. Cette richesse créative est présente du début à la fin de l'album et fait de « 2 » un disque vers lequel je reviens sans cesse.

L'album comporte de nombreux sommets et aucun titre faible. Jetez une oreille sur l'adorable « Say It », doux comme une nuit d'été étoilée, et au plus énergique et rayonnant « Listen2Me » au potentiel tubesque évident.

Les percussions et les mouettes de « Yvonne » ne sont pas si loin de l'exotisme de Vampire Weekend, le sautillant « Deadhead » est désarmant de simplicité et illustré par un clip hilarant. Plus loin, « Wings », son énorme basse ronde et ses nappes de claviers disco, est un bonheur total.

« 2 » est un disque idéal pour vous accompagner durant tout l'été, alliant la légèreté et l'évidence des compositions à une modernité et une profondeur qui se révèlent petit à petit.

Mais il est temps de conclure. Nous nous retrouvons pour une sélection d'albums à paraître en juillet, « En 4ème Vitesse » bien entendu.

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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