L'album a acquis le statut de disque culte mais j'ai essayé de m'y plonger de façon objective oubliant si possible son auteur et le contexte de sa réalisation. Barrett a utilisé jusqu'à 5 producteurs. Trois sont crédités sur l'album : Malcom Jones mais aussi David Gilmour et Roger Waters sur deux titres, venus prêter main forte à leur ancien partenaire. Musicalement, le disque est assez différent de « The Piper At The Gates Of Dawn », beaucoup plus dépouillé et acoustique, construit autour de la guitare et de la voix de Syd Barrett malgré, j'y reviendrai, la présence de trois membres de Soft Machine sur deux titres. Cependant, et c'est une évidence dès la première écoute, on a à faire ici à un disque malade, l'œuvre d'un cerveau qui n'est pas tout à fait dans la même réalité que le commun des mortels. Il n'y a qu'à écouter cette voix hésitante, à la limite de la rupture et parfois au-delà, ces titres qui s'égarent dans des directions improbables. Tout ici n'est que fêlures, fragilité, maladresses. Mais c'est bien entendu ce qui justement fait le charme d'un album dans lequel il n'est pas facile de se sentir chez soi. « Barrett » son deuxième album n'est constitué paraît-il que d'overdubs rajoutés après les prises de Barrett seul tant il était devenu impossible de jouer en même temps que lui. Plusieurs écoutes sont nécessaires pour déceler la grâce de certains des titres de « The Madcap Laughs », bien sûr inégal et mal fichu par certains aspects, mais aussi illuminé dans tous les sens du terme.
« Terrapin » qui ouvre l'album est une espèce de folk psychédélique au ralenti, sous sédatif. La guitare acoustique semble comme enregistrée dans sa cuisine et cette envoutante chanson d'amour envapée et satellisée permet d'entrer dans le monde de Syd Barrett. Elle possède un charme qui était déjà présent sur « The Piper… » mais comme si elle était décharnée, mise à nu. Immense titre, il agit comme un poison doux, s'infiltre, se diffuse à l'intérieur de nos têtes pour ne plus en sortir.