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Les radios pirates contre le premier ministre britannique

Rédaction : Poptastic Radio le 12 avril 2020

À l'occasion de la réédition de son livre sur les radios pirates, Daniel Lesueur revient sur un épisode majeur de cette époque lorsqu'en 1970, il y a tout juste 50 ans, deux stations - Radio Caroline et Radio North Sea International (RNI) - s'unissent dans un but pas vraiment en rapport avec la musique.

C'est le 56ème anniversaire de Caroline qui commença à émettre à Pâques 1964 à partir d'un navire ancré en Mer du Nord, dans les eaux internationales. Mais en 1967, le gouvernement d'Harold Wilson, premier ministre du Royaume-Uni, interdit les radios pirates, même en dehors des eaux territoriales britanniques. Grâce au courage de son fondateur Ronan O'Rahilly qui vient de nous quitter*, Radio Caroline choisit alors de « résister » et entre dans l'illégalité. Mais déjà très affaiblie financièrement car interdite aussi de revenus publicitaires, la station finit par devenir muette.
Pas définitivement.
La suite ci-dessous avec un extrait du livre "L'histoire des radios pirates de Radio Caroline à la bande FM" de Daniel Lesueur, ré-édité pour l'occasion par les Éditions Camion Blanc.

"Après la fermeture des radios pirates le 14 août 1967, on attendit, on attendit …
Le retour des pirates...
R.N.I. (Radio North Sea International), lancée en janvier 1970, s'ancra à quelques kilomètres des côtes anglaises. En juin de la même année, elle s'engagea dans la campagne électorale, en étroite collaboration avec la F.R.A., Free Radio Association. En anglais, "free" sous-entend, à la fois, la notion de "radio libre", dans le sens de liberté d'expression, et celle de "radio gratuite", contrairement aux radios d'Etat pour lesquelles l'auditeur paye une redevance.

Brouillage de RNI par les autorités britanniques

Le poids d'un média d'opposition dans la balance du scrutin
Le 13 juin 1970, les fans de R.N.I. eurent un coup au cœur : en se portant à l'écoute de leur station pirate, ils constatèrent qu'elle s'appelait désormais Radio Caroline International. Ils constatèrent également que la station faisait l'objet d'un brouillage intense. Tellement intense que sur plusieurs kilomètres autour du site émetteur, les riverains avaient grand peine à capter les émissions régulières de télévision et de radio de la BBC !

Une campagne électorale rocambolesque
A partir du 13 juin, RNI-Caroline diffuse en permanence les noms des candidats locaux du parti conservateur pour lesquels les auditeurs sont appelés à voter dans chaque circonscription. Les Tories menés par Edward Heath se sont engagés à "libérer les ondes" s'ils accèdent au pouvoir. Tout le monde croit qu'il s'agit, ni plus, ni moins, d'autoriser les radios pirates. Cela serait trop simple ! Les jeunes Anglais, néanmoins, avaient changé le cours de l'Histoire.

Compilation de jingles de Radio Caroline
Histoire des radios pirates
Nouvelle couverture pour la réédition du livre de Daniel Lesueur

Le 19 juin, les conservateurs gagnaient les élections.
Les animateurs de Radio Caroline (qui redeviendra Radio North Sea dans la nuit) exultaient, leur radio avait rempli sa mission. Radio Caroline était parvenue à renverser le gouvernement en place. Les instituts de sondage ne l'avaient pas prévu ! Harold Wilson n'avait pas soupçonné le poids, dans la balance des scrutins, des voix des jeunes Anglais qui se rendirent aux urnes en masse. Au moins cette fois, ils avaient eu le sentiment de voter utile.
La presse conclut benoîtement à ce qu'elle appela "un brutal mouvement d'opinion de dernière heure" pour minimiser l'impact de la campagne menée par la jeune station radiophonique. Une campagne électorale mouvementée qui conduisit Radio North Sea à être soupçonnée d'espionnage et même à avoir pris part à un vaste complot ourdi par les pays de l'Est pour déstabiliser la Grande-Bretagne... voire toute l'Europe, car on apprendra plus tard qu'une dizaine de bateaux radio du même type étaient en construction à Gdansk.

Rien de neuf : le scénario d'une radio pirate utilisée à des fins d'espionnage international avait servi de trame à Not So Jolly Roger, 45ème épisode de la série télévisée britannique Destination danger / Danger Man, diffusé en France sous le titre Les Pirates, et dont le copyright avait été déposé dès 1964, c'est-à-dire l'année même de la naissance de Radio Caroline. Un engagement qui porta ses fruits R.N.I., hélas, n'y gagna rien : toujours brouillée malgré le changement de gouvernement, elle dut quitter la côte anglaise pour s'ancrer au large de la Hollande et y subira l'année suivante une attaque à la bombe. Et, pied de nez à l'Histoire, Harold Wilson fut réélu en février 1974.

Les jeunes Anglais, cependant, constatèrent que les Tories, durant leur exercice du pouvoir, avaient tenu leur promesse en rendant effective la libération des ondes : au cours des mois et des années qui suivirent, des centaines d'autorisations d'émettre furent accordées, aussi bien à des petites stations locales qu'à de puissantes radios commerciales."

Extrait du livre "L'histoire des radios pirates de Radio Caroline à la bande FM" de Daniel Lesueur, Éditions Camion Blanc. Disponible sur Amazon après le confinement, 30 € en attendant, disponible chez l'éditeur en cliquant ici.

*mise à jour du 20/04/2020

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disponible sur l'application gratuite et sur le site web Poptastic Radio.


Commentaires
  1. Ed Kheriff   Sur   12 avril 2020 à 15 h 36 min

    Chouette article, merci ! Les radios libres, passées sous silence, ont joué un rôle sociétal fort. La liberté dérange. Si ce devait être le seul moteur pour qu'elle perdure, qu'elle continue de déranger 🙂

    • Poptastic Radio   Sur   12 avril 2020 à 19 h 20 min

      Merci pour votre commentaire. Si vous ne le connaissez pas encore, offrez-vous le livre de Daniel Lesueur, c'est un ouvrage très complet et très précis sur le sujet.

Commentaires fermés.