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De Deep Purple à Whitesnake - Interview Jon Lord et David Coverdale

Rédaction : Daniel Lesueur le 1 avril 2023

Daniel Lesueur, que l'on a l'habitude de lire dans les pages du site Poptastic, a commencé sa carrière comme journaliste de la presse musicale, et réalisa plus d'une centaine d'interviews.

Dans un ouvrage disponible au format Kindle intitulé "Les Masques et la Plume", il regroupe celles dont il a pu retrouver la trace, car certaines ont malheureusement disparu.
En 1978, Daniel rencontre les ex-Deep Purple, Jon Lord et David Coverdale, venus à Paris pour présenter "Trouble" le premier album de Whitesnake.
Voici la transcription de l'entretien original de 1978.

Jon Lord et David Coverdale étaient à Paris pour présenter le nouvel album de Whitesnake. Nous avons pu les « coincer » et, pendant plus d'une heure, ils m'ont expliqué toutes les différences qui existent entre Whitesnake et Deep Purple. Une entrevue des plus agréables, dans la mesure où les deux personnages sont à la fois intelligents, sympathiques et très professionnels.

Quelle est la formation actuelle du groupe ?
- À part David Coverdale aux vocaux et Jon Lord aux claviers, on retrouve Micky Moody, ancien guitariste de Juicy Lucy et Snafu, Bernie Marsden, seconde guitare, ancien Cozy Powell et Babe Ruth, Neil Murray, bassiste, et Dave Dowle, ex-batteur de Brian Auger et Streetwalkers.
Jon, comment vous est venue l'idée de rejoindre Whitesnake ?
- Il y a longtemps que le projet était dans l'air. À la séparation de Deep Purple, j'ai d'abord ressenti le besoin de me reposer en Allemagne ; puis j'ai travaillé avec lan Paice et Tony Ashton. Ce n'est donc qu'à l'été de cette année que j'ai rejoint Whitesnake.
Ce nom de Whitesnake signifie-t-il que vous jugez votre musique comme froide comme la peau d'un serpent ?
- Non, c'est au contraire un symbole phallique ; nous aurions été nègres, nous nous serions appelés Blacksnake !
Le titre de ce récent album, «Trouble » sous-entend-il que vous avez du mal à l'enregistrer ?
- Non, il s'agit simplement de l'un des titres de cet album. L'enregistrement s'est au contraire très bien passé.

Est-il difficile de remonter un groupe après avoir été membre d'une formation aussi célèbre que Deep Purple ?
- Musicalement non, mais en tant qu'entreprise au sein du show-biz, oui. Nous intéressons les maisons de disques dans la mesure où nous représentons un gros paquet de dollars. Elles sont tout à fait d'accord pour signer un groupe où l'on retrouve Coverdale et Lord, mais par contre s'arrachent les cheveux car les autres ne sont pas connus. Or nous n'avions pas l'intention de remonter un autre Deep Purple. En tant que musiciens, notre ambition est d'aller toujours de l'avant. Sans mentir, nous avons eu au moins dix offres pour reformer D.P. mais toutes n'avaient qu'un seul but : l'argent. Mais créer des groupes au sein desquels les membres n'ont pas d'atomes crochus, cela ne conduit à rien de valable. Rappelons-nous le temps des super-groupes où l'on rassemblait tous les grands musiciens de l'époque, aucun n'a tenu car ces alliances étaient forcées. Cela tuait toute émotion.
Ritchie Blackmore était-il un dictateur au sein de Deep Purple ?
- Non, mais il aurait aimé. Au moins, il a essayé. Mais chaque membre avait sa place et tenait un rôle bien précis. Sa conduite actuelle avec Rainbow le mène directement à l'échec ; il n'y a pas un musicien qui ait le courage de rester avec lui plus d'un mois. D'autre part c'est un personnage fort peu loyal : il a en effet été très souvent interviewé et a toujours profité de ces occasions pour dire du mal de ses anciens collègues alors que nous qui n'avons jamais eu beaucoup de presse, ne pouvions pas répliquer à ses attaques. C'est un fou qui pourrait déjà monter un grand orchestre philharmonique avec tous les musiciens qu'il a vidés... Cette interview nous permettra au moins de remettre les choses en place. Blackmore, à lui tout seul, avec ses capacités limitées au niveau de la composition et de l'instrumentation, ne pourrait pas tenir plus d'une demi-heure. C'est un paranoïaque. Quand on veut être sérieux, il faut tout de même se soucier de ceux qui vous entourent. D'autre part il n'a jamais pris son public d'égal à égal ; il a toujours pris son auditoire pour un assemblage d'imbéciles alors que lui se prenait pour un dieu de la guitare qui apportait tout à son public. C'est une mentalité vraiment pourrie car lorsque l'on paye pour aller voir un concert il faut au moins que la personne qui est en face ait le respect de ceux qui le font vivre. Il ne faut pas se considérer comme un prophète.

Considérez-vous votre musique comme foncièrement différente de celle que vous faisiez avec Purple ?
- Ah oui bien sûr ! Du temps de Deep Purple c'était essentiellement ce que l'on appelle du hard alors qu'aujourd'hui il y a bien sûr encore le côté hard, mais aussi des compositions beaucoup plus mélodiques.
Jon, votre passion, on le sait, est la musique classique. Cela est-il compatible avec votre rôle d'ancien organiste de Deep Purple ?
- Oui ! En effet j'ai eu l'occasion de me « défouler » tout d'abord avec l'album de Deep Purple enregistré avec le London Philharmonic, ensuite avec « Gemini Suite » et enfin avec « Sarabande » enregistré en 1975 et qui sortit l'année suivante. D'autre part, dans l'album « Burn » j'ai largement pu m'expliquer, à l'aide, entre autres, d'un thème de Bach dans le title-track. Mais je reconnais aujourd'hui que lorsqu'on me mettait un grand orchestre entre les mains, je l'utilisais beaucoup plus comme un jouet que comme si j'étais un chef d'orchestre. Donc dans l'avenir si j'en ai le temps peut-être que je referai des albums solo, mais avec plus de sérieux.
Par exemple, lorsqu'il m'arrivait de distribuer des partitions à un violoncelliste ou à un haut-bois, les mecs en question me répliquaient que l'écriture ne correspondait pas à leur instrument, ce qui prouve bien mon manque de connaissance en la matière.

Voyez-vous à l'heure actuelle un groupe capable de suivre les traces de Led Zeppelin, Status Quo ou Purple ?
- Whitesnake !
Je n'en attendais pas moins de votre part. Mais soyons sérieux...
- Au niveau de la popularité, il pourrait y avoir Boomtoom Rats, mais leur musique est totalement différente. Aux Etats Unis il y a Boston et Foreigner qui marchent très fort, mais je les ai vus sur scène, j'appelle cela du bâtard. En ce qui nous concerne nous n'avons pas l'intention de jouer devant des auditoires monstrueux, nous voulons remplacer l'intensité sonore par le sentiment et l'émotion. D'ailleurs c'est un mouvement qui semble se dessiner à l'heure actuelle, parmi les nouveaux groupes. Le temps des dinosaures semble fini. Peu à peu nous espérons récupérer des fans nouveaux qui arriveront sans l'idée préconçue de voir d' « anciens membres de Deep Purple ».

Interview réalisée par Daniel Lesueur en 1978.
À retrouver dans "Les Masques et la Plume: Mes interviews pop, rock et chanson française" sous la direction de Dominique Durand, éditions InfoDisc, disponible au format Kindle sur Amazon.
Cet ouvrage est une véritable mine de documents exceptionnels pour qui s'intéresse un peu à l'histoire du Rock. Avec des interviews d'Eric Burdon, Rory Gallagher, Eddy Grant, Wilko Johnson, Marquis de Sade, Ian Matthews, Whitesnake, Shakin' Stevens, entre autres mais aussi des grands noms du Rock français comme Christian Décamps du groupe Ange, Téléphone, Trust (leur toute première interview en 1977), les Stinky Toys et quelques autres grands noms de la chanson française. Bref, vraiment n'hésitez pas à consulter la présentation du livre sur Amazon, vous n'êtes pas au bout de vos surprises.

Daniel Lesueur - Les masques et la plume - Interviewes
Auteur

Auteur infatigable, journaliste de la presse musicale, homme de radio, collectionneur passionné, producteur d'artistes...