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Vampire Weekend l'album qui les place définitivement parmi les plus grands

Rédaction : Christophe Billars le 21 mai 2024

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Vampire Weekend - Only God Was Above Us. Une chronique du dernier album du groupe américain, signée Christophe Billars.

Quand certains jours je me demande furtivement à quoi cela peut bien servir d’écrire encore des critiques d’albums en 2024, alors que l’époque est plutôt au grand zapping musical international sur les plateformes, que le format de l’album ne fait plus rêver, je me ressaisis très vite en me disant que c’est justement pour cela que disserter sur les disques est important. À l’heure où tout est accessible partout et tout le temps, où tout est mis au même niveau, où le nombre de vues détermine dans l’esprit de beaucoup la qualité des productions musicales, nous avons d’autant plus besoin que certains fassent le tri, distinguent le bon grain de l’ivraie, l’exceptionnel du tout-venant et permettent tant bien que mal de contrer la puissance de feu du markéting généralisé.

Quand on entend la pauvreté de ce qui marche aujourd’hui, la musique sans âme, ultra formatée, interchangeable et produite à la truelle des Taylor Swift, Sia, Dua Lipa, Ed Sheeran, Ariana Grande, Miley Cyrus, j’en passe et des pires, on se dit que s’il y a une chance pour qu’un texte puisse faire connaître des artistes pourquoi s’en priver ? Dont acte.

vampire weekend chronique only god was above usS’il y a des gens justement pour qui le mot « artistes » n’est pas galvaudé c’est bien le groupe d’Ezra Koenig et Ariel Rechtshaid, Vampire Weekend. Voici ce que dit d’eux le magazine américain The New Yorker à l’occasion de la sortie de leur 5ème album « Only God was above us » : « Vampire Weekend n’a jamais sorti de mauvais album mais Only God was above us est un de ses meilleurs ». Tout est dit. Depuis « Vampire Weekend » (2008) et son incroyable pop explosive mâtinée de rythmes afro, le groupe n’a jamais en effet sorti un mauvais disque et ce n’est pas cette fois-ci que cela va commencer. Leur musique s’est depuis complexifiée, adoucie, laissant entrer des sonorités nouvelles, gagnant en consistance ce qu’elle aurait pu perdre en énergie et en urgence. Si les percussions et les guitares, souvent d’une liberté totale, sont toujours là, elles ne constituent plus la charpente des chansons et ce sont des arrangements d’une richesse et d’une inventivité phénoménale que l’on trouve sur « Only God was above us ». Piano, guitares, basse, synthés, percussions, boites à rythmes, cordes, cuivres, chœurs, harmonica mettent en valeur sans jamais les étouffer les 10 titres de haute volée qui constituent l’album. Trouées d’échappées instrumentales qui les font sortir des sentiers battus, les déstabilisent, ces chansons ne perdent jamais le fil et retombent toujours sur leurs pattes.

Et c’est bien parce que l’incroyable talent mélodique d’Ezra Koenig ne s’est jamais tari, bien au contraire, que cet album constitue un accomplissement de son art.

« Nous sommes tous les fils et les filles de vampires qui ont laissé l’ancien monde exsangue » affirme-t-il dans « Ice-cream piano » le titre qui ouvre l’album. Après un début, tout en douceur et acoustique qui nous permet de retrouver la voix si particulière, lumineuse et haut perchée d’E.K qui conserve un je-ne-sais-quoi de fraîcheur, d’innocence juvénile, on part à toute berzingue emmené par un piano survolté et des tourbillons de cordes dans ce titre, si caractéristique de Vampire Weekend, à la mélodie imparable. « Classical » confirme que l’inspiration est toujours au sommet par cette capacité de Koenig de pondre à la chaîne des mélodies ultra accrocheuses et subtiles. Dans un pont instrumental, les instruments déraillent pour mieux retomber sur leurs pieds. Sur « Capricorn », le tempo ralentit, les arrangements sont plus dépouillés même si c’est une constante sur cet album, le duo superpose les couches, piano, guitare, synthétiseur, basse, cordes et cuivre.

Des notes de piano en cascade, une basse ronde élastique, lancent « Connect » ce titre merveilleux tout en ruptures qui met aussi en lumière l’incroyable travail rythmique d’Ariel Rechtshaid. Bijou de composition et d’arrangements, à l’atmosphère subtilement rétro et nostalgique c’est encore une réussite absolue. « Pre school gangsters » est un sommet parmi les sommets, ce morceau a tout d’un classique instantané. Comment résister au chant d’Ezra sur le pont ? Je ne peux m’empêcher de penser au « Graceland » (1986) de Paul Simon, avec qui il me semble Vampire Weekend entretient une relation profonde par l’exploration de sonorités exotiques tout en restant pop.

La basse d’Ariel pleine chaude et ronde est un élément essentiel des chansons de Vampire Weekend ; c’est elle qui débute « The surfer », ce titre mélancolique. Ici, les synthétiseurs sonnent comme des plaintes, la caisse claire claque comme jamais. C’est beau comme un lever de soleil sur l’horizon. Avec « Gen X cop » voici encore un titre hyper accrocheur et sautillant au refrain imparable dont les synthétiseurs – ou bien est-ce une guitare - semblent reproduire les sirènes des cops dont il est question dans le titre. « Mary Boone » est un titre merveilleux. Construite sur un sample de Soul II Soul, remplie de chœurs célestes, de percussions, la chanson reste cependant ultra légère. « Pravda » s’ouvre sur une guitare world tant entendue chez VW et ne marque aucun essoufflement dans cet album décidément presque parfait. Et pourtant le meilleur reste à venir avec le somptueux final qu’est « Hope », extraordinaire rengaine de 8 minutes, pourvoyeuse de frissons, qui remplit à elle seule la face D du vinyle. La chanson est portée par un motif de piano récurrent puis catapultée par des envolées de cordes fabuleuses et des guitares en fusion sur une fin exceptionnelle. Elle distille un optimisme résolu sur ces paroles sages :

The prophet said we'd disappear
The prophet's gone but we're still here
His prophecy was insincere
I hope you let it go

Le prophète a dit que nous allions disparaître
Le prophète est parti mais nous sommes toujours là
Sa prophétie n'était pas sincère
J'espère que tu le laisseras tomber

En ce qui me concerne, une chose est certaine, je ne suis pas près de laisser tomber cet album qui place définitivement Vampire Weekend parmi les plus grands.

Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles

Auteur
christophe billars

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


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