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Alors que vaut Toy le dernier album de Bowie ?

Rédaction : Christophe Billars le 8 février 2022

Un nouvel album de David Bowie, même posthume, même rejeté par sa maison de disque à l'époque, même affublé d'une des pochettes les plus hideuses de l'histoire du rock, ne peut laisser indifférent l'inconditionnel que je suis. Combien sommes-nous à avoir été successivement, en deux jours de ce début 2016, émerveillés par la qualité, par l'incroyable audace du diamant noir qu'est « Blackstar » et abasourdis le lendemain à l'annonce du décès de Bowie qui mettait en scène de la manière la plus incroyable sa propre mort ?

Alors que sort aujourd'hui « Toy », enregistré en 2000, sous la forme d'un coffret de 3CD (je préfère ne pas parler du coffret vinyle au prix indécent de 115€), considéré comme l'album « perdu » de son auteur, restituons d'abord le contexte dans lequel il fut réalisé.

Bowie sort d'une période durant laquelle il a retrouvé son statut et son inspiration à travers l'exceptionnel « Outside » (1995) dont on ne dira jamais assez à quel point il constitue un des sommets de son œuvre et dans une moindre mesure le plus inégal mais ô combien passionnant « Earthling » (1997) et ce juste après le trou noir des années 85/93. À nouveau en phase avec son époque, il opère pourtant un retour en arrière avec le paresseux « hours... » (1999), cherchant, sans les retrouver, le son et l'inspiration de l'époque « Hunky Dory » (1971).

Toy - David Bowie

En toute logique, au sortir d'une tournée triomphale, c'est encore vers son passé qu'il se tourne en ré-enregistrant avec son groupe de scène ses premières chansons datant des années 1965/66.

Celles-ci, écrites avant qu'il sorte son premier album «  » (1967) n'ont plus été interprétées sur scène par Bowie après l'avènement de Ziggy Stardust et n'avaient pas eu de succès à l'époque. On les retrouve cependant sur les versions bonus des rééditions de « David Bowie » et « Space Oddity ».

En compagnie d'Earl Slick à la guitare, Gail Ann Dorsey à la basse, Lisa Germano au violon et Mike Garson au piano, Bowie enregistre ces titres de ses débuts, façon live en quelques jours, laissant libre cours à la spontanéité du groupe. Mark Plati produira l'album et joue aussi de la guitare. Voilà pour le contexte, sachant que Virgin records refuse l'album, ce qui provoquera la colère et le départ de Bowie qui fondera ISO, son propre label.

Alors que vaut "Toy" ? Il est constitué de l'album, d'un CD de versions alternatives et d'un autre de versions acoustiques qui va s'avérer être le plus passionnant.

L'album débute par « I Dig Everything » introduit par une rythmique et des riffs massue mais qui heureusement s'allège par la suite. On est d'abord tellement heureux de retrouver cette voix formidable comme surgie du passé, cette voix qui ne nous a jamais quittés. La chanson ne rentrera cependant pas dans les annales, agréable sur les couplets mais les refrains lourdauds et une mélodie assez quelconque n'en font pas la meilleure entrée en matière qui soit. “You've Got A Habit Of Leaving” est d'une autre tenue avec ses chœurs aériens, le piano de Mike Garson et la voix de Bowie qui survole cette bombinette brit-pop hyper accrocheuse et enlevée.

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On monte encore d'un cran avec « London Boys » superbe morceau mid tempo qui fait la part belle à l'interprétation d'un Bowie plus-que-parfait, appuyé par des cuivres discrets. « Karma Man » avec ses accents baroques et psychédéliques, est peut-être le titre qui rappelle le plus les sixties. D'une excellente tenue, le morceau roule tout seul toujours porté par la voix sans faille de Bowie qui s'envole sur la fin. On ne dira jamais quel bonheur c'est de l'entendre à nouveau. Rien que pour ça « Toy » est indispensable.

Puis survient « Conversation Peace » ! Attention chef d'œuvre ! Cette somptueuse ballade devrait figurer au Panthéon de l'artiste et de toute la musique pop. Que dire tant la chanson est parfaite, les arrangements extraordinaires de légèreté ! Quant à la voix, elle provoque des frissons irrépressibles tant Bowie dans ce registre plus grave maîtrise son sujet. « Conversation Peace » supporte les 500 écoutes sans problème, et la 501ème sera encore plus bouleversante que la précédente.

Puis il faut bien l'avouer, “Toy” va quelque peu patiner. « Shadow Man » débute sur de faux airs de musique de relaxation et vaut surtout pour la performance vocale d'un Bowie impérial. Cependant malgré cela, le titre véhicule un ennui agréable, laissant le piano voguer sur des vagues de guitares, de violon et de trompette. « Let Me Sleep Beside You » est beaucoup plus enlevée que la chanson précédente, mais souffre, comme plusieurs titres de l'album, d'une production assez conventionnelle, certainement liée aussi aux conditions d'enregistrement quasi live. On reste dans un registre rock un peu pataud. Bowie fera tellement mieux l'année suivante dans le registre rock de la maturité avec le très bon «  Heathen » (2002). Passée l'intro bruyante, « Hole In The Ground » devient plus acoustique, rehaussée d'un tambourin et de claps mais encore une fois, sans être indigne, ne retient pas l'attention outre mesure. Avec « Baby Loves That Way » on est toujours dans le ventre mou de la production Bowienne, le morceau tourne rond, le refrain fonctionne mais tout ça ronronne sans jamais titiller véritablement nos oreilles. « Can't Help Thinking About Me » ne déroge pas à la règle et rappelle même parfois les tristes heures de Tin Machine. Le chant de Bowie ne peut sauver une chanson quelconque et sa production fadasse.

« Silly Boy Blue » va heureusement sauver cette deuxième partie plutôt banale de l'album sans toutefois atteindre les hauteurs de sa discographie. Un peu noyé sous un déluge de cordes, le titre aurait mérité un plus grand dépouillement, une fragilité qui manque à « Toy » pour être véritablement touchant. “Toy (Your Turn To Drive)” est le seul nouveau titre de l'album, il démarre par la cascade de piano de Mike Garson. Bowie d'une voix plus aérienne nous entraine dans un morceau atmosphérique assez agréable mais qui lui non plus ne sortira pas spécialement du lot.

C'est avec “In The Heat Of The Morning (unplugged)” que débute le 3ème disque (version CD) et véritable réussite du coffret “Toy”. Enfin débranchées, les chansons acquièrent une fragilité, une douceur qui provoque enfin l'émotion qu'un son quelconque avait étouffée dans l'œuf. C'est celui-là qu'on gardera, qu'on se repassera, sur lequel cette voix magique pourra le plus nous bouleverser.

On l'a compris, « Toy » n'est évidemment pas un chef d'œuvre mais c'est l'album digne d'un artiste qui n'ayant plus rien à prouver, se tournait vers son passé pour le solder et aborder la dernière partie de sa carrière. Celle-ci allait être plus que réjouissante, d'abord avec « Heathen » (2002) puis plus tard avec le retour gagnant de « The Next Day » (2013) et enfin avec l'incroyable « Blackstar » (2016) dont on sait aujourd'hui que rarement un album porta aussi bien son nom.

Toy - David BowieÉcoutez des extraits de Toy dans la programmation de Poptastic Radio.

Retrouvez les chroniques de Christophe Billars également sur son blog Galettes Vinyles

Auteur

Passionné de musique, lui-même musicien, compositeur et parolier. Sur Poptastic, Christophe livre régulièrement des critiques affûtées sur les albums d'artistes britanniques ou en rapport avec la scène musicale britannique.


Commentaires
  1. LNosa   Sur   13 février 2022 à 20 h 02 min

    ... j'adore Bowie (séduction magique, intelligence incroyable, sensibilité totale, élégance, talent, génie, beauté, humour etc. etc. ...) et même sans avoir écouté (pas encore vraiment écouté) "Toy", votre article me parle... Merci de savoir trouver les mots pour parler de l'un des plus grands, qui reste dans nos cœurs, âme, esprit... Je vais suivre vos billets. Great job

Commentaires fermés.