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Strawberry Fields Forever, chanson complexe

Rédaction : Daniel Lesueur le 8 février 2023

Strawberry fields forever, chanson complexe ! Avec ce titre, les Beatles entrent définitivement dans la légende. 1967 fut leur année : en cinq 45 tours et un album, ils laissaient loin derrière eux les meilleurs artistes anglais de pop music, y compris l'autre groupe rock anglais des Rolling Stones

1967 est par excellence l'année du bouillonnement créatif en matière de musique populaire. On se réfère généralement à l'été de l'amour et de la paix ("Peace and Love") tel que le vécurent les hippies en Californie dont l'hymne n'est autre que "San Francisco", n°1 dans le monde entier en août. Mais en Grande-Bretagne l'année a commencé en février !

le 24 novembre 1966, les Beatles entament l'enregistrement du morceau le plus complexe de toute leur carrière

Un des titres les plus réussis, tant au niveau artistique que commercial, de l'œuvre des , est indéniablement Strawberry Fields Forever. Au total, le morceau fut enregistré 26 fois.

L'enregistrement sera repensé les 28, 29 novembre, ainsi que les 9, 15 et 21 décembre. Sans compter les innombrables mixages des 28 et 29 novembre ainsi que des 8, 9, 15, 22 et 29 décembre 1966, Strawberry Fields... reste le morceau de bravoure des Beatles. Il est aisé de se rendre compte de l'évolution du morceau, et de la somme de travail qui l'a accompagnée, en comparant les différentes formes du dit titre : la version définitive, parue le 17 février 1967, aujourd'hui disponible sur l'album Magical Mystery Tour, est à mille lieues des différentes prises publiées sur Anthology Vol.2.

A l'origine, John imagina la chanson durant le tournage, en Espagne, du film "How I Won The War"

Il en enregistra d'abord une demo chez lui, que l'on découvre sur Anthology, puis entame un véritable travail d'équipe au sein de laquelle George Martin n'est pas le moins actif : à l'époque, les studios sont équipés en quatre-pistes. En conséquence de quoi, lorsque les quatre pistes sont occupées, il faut les mixer une première fois pour les compresser sur un nombre de pistes inférieur, afin de pouvoir disposer de nouvelles pistes, pour de nouveaux effets sonores (instruments, voix, etc...).

Au premier jour de séance, Strawberry Fields... n'est pas destiné à figurer sur un 45 tours, sa place semble plutôt au sein du futur album, encore totalement flou : son titre est inconnu (ce sera Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band), les chansons le composant ne sont guère plus définies. Ce n'est qu'au début du mois de mars 1967 que sera arrêté un ordre d'apparition des titres sélectionnés.

Trois titres sont éliminés du 33 tours : Strawberry Fields..., Penny Lane et Only a Northern Song.

Les deux premiers vont sortir dans l'urgence en 45 tours : le Beatles Monthly Book (organe officiel du fan club britannique) annonçait dans son édition de janvier 1967 que John venait d'avoir un accident d'automobile, et que Paul, lui aussi, en avait eu un quelque temps auparavant. Il était temps de démentir les rumeurs... ce qui n'empêchera les fans, désormais, de croire entendre des messages subliminaux dans la moindre de leur chansonnette. A la fin de Strawberry Fields Forever, ils crurent percevoir une déclaration marmonnée deux fois par John : "I buried Paul" ("J'ai enterré Paul"). En réalité, John avait prononcé "cranberry sauce", ce qui s'accorde parfaitement avec son usage permanent du non-sens (il suffit de lire son ouvrage "In His Own Write" - en français, "En flagrant délire"-  pour s'en persuader). Ce délire verbial est à l'origine d'une légende selon laquelle Paul McCartney serait mort et remplacé par un sosie au sein du groupe.

Un mixage délicat

Pour la publication de Strawberry Fields Forever, John Lennon, qui en est presque totalement responsable, hésite entre deux prises (la 7e et la 26e). Il demande à son producteur George Martin de lier le début de l'une à la fin de l'autre... ce qui, à priori, s'avérait impossible, les deux versions n'étant pas du tout dans le même registre. La seule solution consistait à ralentir l'une et accélérer l'autre pour leur donner le même tempo, puis de coller ensemble les deux bouts de bande magnétique (le passage d'une version à l'autre se fait très exactement à 59 secondes du début, à la faveur d'un énergique roulement de batterie de Ringo, juste après que John ait chanté "let me take you down...").

Ce 45 tours, du "vrai" Beatles ?

Depuis 1963, toutes les chansons ou presque des Beatles étaient signées Lennon-McCartney, ce qui, cependant, ne signifiait nullement que l'un était responsable des paroles, l'autre de la musique. Il s'agissait en fait d'un travail en commun, même si, bien sûr, sur l'une ou l'autre chanson l'on ressentait plus ou moins l'influence de l'un des deux : Yesterday, par exemple, est typiquement du McCartney, et Help ! du Lennon. Mais ce premier 45 tours de 1967 marque une cassure : indiscutablement Strawberry Fields Forever est l'œuvre de John, et l'autre face, Penny Lane, celle de Paul. Les deux titres étant aussi enthousiasmants l'un que l'autre, pour sans doute la première fois dans l'histoire du disque, ce 45 tours ne fut pas affublé d'une face A et d'une face B mais d'une double face A.

Le succès est au rendez-vous

Strawberry Fields Forever n'est pas, en 1967, une œuvre facile d'approche. Le public, cependant, l'accueillit chaleureusement et, selon les sources, fut n°1 ou n°2 du hit-parade. Une année faste, indiquions-nous : au printemps sortir leur 33 tours considéré comme le meilleur du vingtième siècle ; durant l'été All You Need Is Love sera n°1 des ventes de 45 tours, comme le seront Hello Goodbye et Magical Mystery Tour en décembre.

Auteur

Auteur infatigable, journaliste de la presse musicale, homme de radio, collectionneur passionné, producteur d'artistes...